Naissance et Société de Consommation

"Imaginez: bébé vient de naître. Dans sa chambre inondée de jouets colorés, une musique synthétique diffuse une berceuse. Dans son transat dernier cri, multi-positions, on lui propose un biberon en plastique gorgé de lait en poudre. Le soir, il pourra dormir tranquille, un audy-baby, appareil de surveillance, sera là pour prendre le relais et rassurer ses parents, des parents un peu sur la paille en ce jour heureux, car cette naissance leur a coûté pas moins de 4000 euros de dépenses en tout genre. C'est fou ce que ça consomme un bébé! Il n'avait pourtant rien demandé et flottait simplement dans le liquide amniotique de sa maman. Il était au nirvana, bercé par les caresses utérines, et voilà qu'il découvre à quel point le bonheur est compliqué sur terre. Visiblement il s'achète."

"Plus tard, lorsqu'il grandira, il découvrira que les légumes ont un goût particulier, toujours le même, et sont enfermés dans des petits bocaux de verre. Il découvrira aussi le goût de la fraise synthétique, par le biais de yaourts qui lui sont spécialement réservés, conçus pour lui, analysés par des spécialistes, validés par des chercheurs. La pauvre véritable fraise de nos jardins n'a qu'à bien se tenir. D'ailleurs puisque ce n'est pas elle qu'on a proposée à bébé en premier, elle n'a pas le goût de fraise."

"Et c'est le même bébé qui découvrira la terre et le jardin dans un dessin animé diffusé dès 6 heures du matin, ce même bébé qui, plus grand, réclamera des jeux vidéo qui coûtent une fortune afin de jouer au tennis depuis son canapé. Ses parents, bien sûr, tenteront de s'y opposer, se décourageront, pesteront contre la "nouvelle génération qui ne s'intéresse à rien d'autre qu'aux jeux virtuels", qui "ne s'intéresse à rien d'autre qu'au dernier jean à la mode", qui "ne s'intéresse à rien d'autre qu'à la junk food"... Mais ont-ils seulement réfléchi quelques instants qui avait pu leur donner à ce point le goût de l'artifice et du virtuel, cette quête désespérée du "bonheur" dans la consommation à outrance?"

Sioux Berger